{PV} Mission sur Nétorias

Les temps sont durs sur Nétorias : les blizzards gelés et les tempêtes de neige réduisent l'île à une terre glacée et déserte. Quelques habitations demeurent ça et là, mais la plupart ne sont que des relais inhabités. Ainsi, seul le bruit des rafales hivernales est audible sur cette terre inhabitée. Inhabitée? Peut-être pas ...

Troublée dans sa chasse par une présence inhabituelle, une magnifique panthère des neiges se déplace furtivement. Sa légèreté et son agilité lui donnent l'impression de flotter sur le manteau blanc qui recouvre l'île. A l'affût, prête à bondir et à déchiqueter sa proie, elle avance, lentement ...

Pourquoi une personne aurait-elle décidé de venir interrompre sa course en cet endroit? Et plus particulièrement pourquoi près de sa maison? La panthère avance furtivement, le tête baissée, presque comme si elle rampait, puis, gravissant un petit talus, elle s'arrête, et dresse les oreilles. Grâce à sa perception animale, elle entend, elle sent. Oui, elle est toujours ici !

Elle décide finalement de se risquer un peu plus pour jeter un œil rapidement. En appui sur ses quatre pattes, prête à bondir, elle avance, petit pas par petit pas. Puis, elle obtient enfin une vue dégagée sur sa demeure et sur l'intrus. Une jeune femme visiblement, provenant certainement du continent.

La curiosité l'emportant finalement sur la raison, la panthère des neiges se risque à descendre pour se rendre près d'une fenêtre pour observer l'intrus. Se cabrant sur ses pattes arrières en prenant appui sur le rebord de la fenêtre, elle observe ce qu'il se passe. Mais à cet instant, c'est une toute autre sensation que la peur qu'elle ressent. Son instinct semblant visiblement vouloir la mener quelque part. Après mûre réflexions, elle y parvient enfin : cette jeune fille avait quelque chose de spécial, un petit peu comme elle.

Devait-elle l'aborder? Ou encore l'attaquer? La deuxième solution paraissait la moins raisonnable, étant donné qu'une jeune femme s'aventurant seule sur une île aussi hostile savait certainement se battre. La panthère ferma alors doucement les yeux, puis elle attendit, comme si elle réfléchissait ... Puis doucement, elle se mit à s'illuminer d'une faible lueur blanche, ses poils semblaient régresser et ses membres prendre une autre forme pour enfin s'allonger. Quelques secondes plus tard, dans la neige se tenait une jeune femme, à quatre pattes.

Elle se releva lentement : cela faisait des mois qu'elle n'avait pas retrouvé son apparence humaine. La jeune fille devait avoir une vingtaine d'années, elle était fine et élancée. Son visage exprimait la fraîcheur de sa jeunesse. Une fine chevelure noire lui tombait jusqu'aux épaules, abandonnant sur son visage quelques irrégulières mèches de cheveux. Vêtue seulement de deux petites pièces de cuir bien tissées mais très courte comparé au temps qu'il faisait dehors, la jeune fille laissait à découvert une peau pâle et lisse.

S'habituant quelques minutes à cette posture bipède, elle se décida finalement à franchir le pas de sa porte. Si la femme se montrait hostile, elle pourrait de toute façon fuir sous forme animale. Elle franchit alors la porte, puis, arrivant dans le dos de l'intrus, qui avait certainement repéré sa présence, elle lui dit d'une voix cristalline et peu docile :

"Que faites-vous ici?"

Lorsque Nerina prononça le nom de Vlad, la jeune fille à la chevelure noire sembla frémir. Elle émit un son cristallin de sa petite voix :

"Vlad?"

Ce mot qui trahissait son sentiment lui avait échappé. Comme si elle avait voulu le retenir, elle avait plaqué les mains sur sa bouche. Puis, réalisant que de toute façon, la jeune femme qui se trouvait face à elle ne tarderait pas à comprendre, elle se ravisa, puis elle lui dit sur un ton plus tranchant :

"Qui la demande? Qu'est-ce qui me prouve que vous connaissez bien ce gros lourdeau?"

Elle était un peu dure dans les termes qu'elle employait. Il fallait dire que des années après que cette île soit devenue déserte, un de ses habitants venait troubler la quiétude des lieux par le biais d'un messager. La jeune fille ne tenait pas spécialement à cet endroit, mais c'était son habitat, et jamais elle n'avait trouvé de prétexte pouvant justifier le fait de s'en échapper. Il fallait aussi dire qu'elle ne connaissait rien du monde extérieur : pourquoi risquer sa vie pour l'inconnu?

Elle dévisagea longuement la femme qui se tenait face à elle, la scrutant de son regard perçant. Sans gêne, elle balayait du regard son corps de haut en bas. Elle n'avait pas eut l'occasion de parler à quelqu'un depuis bien des lustres, et à vrai dire, la compagnie des hommes ne lui manquait guère...

Lorsque Nerina tendit la dague devant elle, la jeune fille parut troublée. Elle tendit la main en avant, puis, plaça ses doigts à quelques centimètres de la lame sans pour autant la toucher, comme si elle s'imprégnait d'une énergie qu'elle aurait pu dégager. A vrai dire, elle se remémorait tous les souvenirs que lui rapportait cette dague : son enfance avec ses frères et ses parents où elle avait été comme couvée... Un sourire se dessina sur son visage tandis qu'elle fermait lentement les yeux.

Elle ressassa ainsi très brièvement son enfance, mais son sourire disparut bien rapidement, pour laisser place à une expression grave. Elle rouvrit les yeux, ramena sa main le long de son corps, puis elle tourna la tête vers une porte fermée au fond d'un couloir baigné dans l'obscurité. Son regard resta fixé ici pendant quelques longues secondes, elle ne voulait plus mettre les pieds dans cette pièce. Elle reporta son attention vers Nerina, puis, lorsqu'elle eut finit de parler, elle lui répondit :

"Peut-être que je suis celle que vous cherchez..."

Sa réponse ne permettait plus l'ombre d'un doute. Son attitude était déjà bien assez suspicieuse jusqu'ici. Elle regarda Nerina dans le blanc des yeux, puis elle lui dit sur un ton à moitié accusateur :

"Il revient me chercher quand il a besoin de moi! Il m'a volé ma vie, et est la cause de ce que je suis devenue..."

Elle détourna le regard, fixant le sol, puis d'une voix évasive, elle continua :

"Son absence m'a coûté énormément. S'il avait été un peu moins égoïste, rien de tout cela ne serait arrivé!"

Elle reporta son attention sur Nerina, puis elle lui demanda :

"Qu'est-ce qui pourrait me pousser à aller le rejoindre? Je n'ai que faire de ce qu'il peut lui arriver à présent!"

Le visage de la jeune fille changea brusquement de forme, à cause du trouble provoqué par le discours de Nerina. Ainsi, son frère allait mourir. A cause de la rancœur qu’elle éprouvait à son encontre, elle en avait presque oublié les rumeurs qui étaient parvenues jusqu’à l’île il y avait quelques années : Vlad avait réussi à réunir tous les Hors-la-loi sous une même bannière.

Lorsque Nerina lui demanda son prénom, elle répondit simplement, sur un ton un peu désolé du fait de s’être emportée :

"Je me nomme Leanora, je suis bien la sœur de Vlad."

Elle baissa le regard vers le sol, ses joues rougissant légèrement. Il fallait dire qu’elle n’avait pas eu l’occasion de parler à une personne depuis maintenant quelques années. La solitude et le froid l’avaient littéralement changés, et puis la vie avec ses parents auparavant n’avait pas franchement amélioré son caractère non plus.

Lorsqu’elle releva les yeux, c’était un regard confus qu’elle adressait à son interlocutrice. Elle lui dit simplement :

"Je… je viendrais avec vous."

Leanora changeait subitement de position. Pourquoi ? Elle même se le demandait. En quelques secondes, la haine qu’elle éprouvait pour son frère s’était transformée en compassion. Au fond d’elle, elle l’aimait, mais elle ne se remettrait jamais de ce qui avait découlé de son départ. Et puis, c’était sa dernière chance de le revoir, mais aussi de quitter cette île hostile, et cet avenir tout tracé, consistant à errer sans fin dans le blizzard.

Cependant, bien que de nature peu peureuse, elle éprouvait une angoisse naturelle à l’idée de poser le pied sur le continent. Et puis, elle n’avait pas eut de contact avec les humains depuis des années, le choc serait difficile.

Elle regarda Nerina avant d’emprunter la sortie, puis elle lui dit :

"Oui, j’irais le voir avant qu’il… enfin je veux le voir une dernière fois ! Mais promettez-moi de ne pas me laisser seule sur le continent !"